François DELSARTE (19/11/1811 – 21/7/1871)
Le bicentenaire de François Delsarte donne l’occasion de se pencher sur la vie de ce lointain père fondateur de notre système gymnique- la gymnastique holistique. Nous pouvons trouver dans ses recherches les notions qui sont à la base de notre travail de tous les jours : pesanteur, tension-relâchement….et autres
François DELSARTE (19/11/1811 – 21/7/1871)
Naît a Solesmes en 1811 et meurt à Paris en 1871
Suite à des circonstances familiales complexes, François Delsarte se retrouve, à dix ans, tout seul à Paris, venant d’inhumer son jeune frère Louis dans une fosse commune. Il survit en travaillant auprès d’un chiffonnier, d’un apothicaire et d’un peintre sur porcelaine. François Delsarte est recueilli autour de 1823 par un professeur de musique nommé Bambini qui lui reconnait un certain talent et lui donne une instruction en musique. Il le fait entrer au Conservatoire de Paris comme étudiant en art vocal. François Delsarte est particulièrement malheureux de ses études qui, selon lui, abîment sa voix. Durant sa propre recherche il explore le mécanisme physique de l’émission de la voix et développe une méthodologie d’entraînement basée sur des principes esthétiques et scientifiques. Au Conservatoire, Delsarte critique aussi l’enseignement dispensé aux acteurs dépourvu d’expression naturelle. Malgré ses frustrations, il reste au Conservatoire où il rencontre le ténor Adolphe Nourrit, lequel devient professeur de déclamation lyrique. François Delsarte gagne un prix en 1928 en tant que chanteur. Peu de temps après, il quitte le Conservatoire, se marie avec Rosine Charlotte Andrien, une étudiante en piano du Conservatoire. Dans la même année, en 1833 il publie son premier texte « Méthode philosophique du chant ».
Il commence une carrière de chanteur, puis de professeur de chant et d’art dramatique qui durera quarante ans. Il se produit sur scène malgré sa voix peu fiable. Dans les partitions qu’il choisit de chanter, il marie pour la première fois, pour l’époque, l’art de la déclamation et l’art vocal. Un critique dit de lui « Delsarte ne sépare pas le chant et la déclamation, ni le chanteur de l’acteur ». Delsarte réussit à être acteur et chanteur en même temps dans son expression sur la scène alors que chant et art dramatique étaient figés.
Il devient professeur de cours d’esthétique appliquée, donne des leçons privées. François Delsarte est très connu entre 1839 et 1859. Il s’efforce d’améliorer l’expression corporelle de l’élève pour qu’il devienne naturel. Il recherche des lois de mouvement. Son travail traite de la voix parlée, de la voix chantée et du geste.
Delsarte est l’oncle de Georges Bizet. Camille Saint-Saëns, qu’il avait accompagné au piano disait de lui dans ses Portraits et souvenirs : « Il avait étudié à fond l’art de la parole et du geste ; là, il était passé maître[1].
Ses élèves furent des chanteurs, acteurs, orateurs, prédicateurs, avocats ; aucun danseur ne sollicita ses conseils ou ses leçons.
Parmi ses élèves, un Américain, James Steele MacKaye (1842-1894) aura un rôle important.
La rencontre de James Steele MacKaye, avec Delsarte a lieu à Paris, au 108 boulevard de Courcelles, en octobre 1869. Entre les deux hommes, le courant passe tout de suite. James MacKaye est passionné par les découvertes de Delsarte, et Delsarte considère Steele MacKaye comme un fils, pressent en lui le futur successeur capable de transmettre son travail.
MacKaye, qui voulait d’abord devenir peintre avant de devenir acteur, avait déjà séjourné à Paris entre octobre 1865 et août 1866. Il travaille avec Delsarte tous les jours jusqu’en juillet 1870 date à laquelle MacKaye part pour les Etats-Unis, à cause de la guerre franco-allemande.
Delsarte, seul, sans argent, s’exile à Solesmes (Nord) dans sa famille, il se sent incompris, il revient à Paris en mai 1871. MacKaye lui envoie plusieurs mandats, et il existe une correspondance importante entre les deux hommes .Delsarte ne reverra jamais son élève ni l’Amérique, où le delsartisme a connu un grand succès, grâce aux efforts inlassables de MacKaye dans le monde cultivé de Boston et de New York. En 1871, l’année de sa mort, la plupart de ses manuscrits rédigés disparaissent. Le peu qui resta, arriva dans les mains de James Steele MacKaye.
Plusieurs élèves de Delsarte transmettent son travail en France : l’abbé Delausmosne, Angélique Arnaud, les enfants de Delsarte Gustave et Marie Delsarte, Alfred Giraudet ; aux Etats-Unis : James Steele MacKaye
Delsarte n’a rédigé que des ébauches de texte sur ses découvertes, et Steele MacKaye n’a pas non plus écrit sur les découvertes de Delsarte. Genevieve Stebbins, qui a travaillé plus tard avec MacKaye pendant deux ans, a décortiqué le système delsartien et a mis en forme des idées de Delsarte sous formes des textes connus aujourd’hui.
James Steele MacKaye , homme de théâtre, propageait le travail de Delsarte. Outre Atlantique le raz-de-marée delsartien a duré deux décennies, concerna autant, sinon plus, le geste et le mouvement expressif que l’élocution, l’art oratoire, le jeu dramatique et le chant .En réalité, tous les systèmes de gymnastique se développèrent à partir de Steele MacKaye et de ses « Harmonic Gymnastics » (…)
C’est seulement ici en Amérique, et après sa mort, que les lois de Delsarte furent assimilées et utilisées par les danseurs (….) une de différence, absolument vitale, réside dans la reconnaissance du torse comme source et moyen essentiel d’une véritable expression émotionnelle.(….)
Delsarte a découvert cette loi du rythme de la vie, que dans tout mouvement corporel, existe une alternance équilibrée et rythmique, une phase de détente précédant nécessairement une phase de tension, et toute tension étant suivie par une détente .Et ces deux facteurs sont à égalité, en unités de temps et d’espace : une tension d’une certaine durée, déployée sur un certain espace, est suivie ( et devrait l’être dans les exercices préparatoires ) par une détente d’égale durée, déployée sur le volume d’espace( de brèves tensions seront suivies par des brèves détentes) . De même que nous tendons la corde de l’arc avant de décocher la flèche, nous observons tout le temps dans la nature le principe de tension et de relâchement. (…)
Un autre aspect important de la nouvelle danse fut la reconnaissance, en valeur et en utilisation, de la masse, du poids, de la pesanteur, et de la relation de l’homme avec le sol, ressentie comme source d’expressivité( …)le danseur moderne américain éprouve le besoin profond d’une masse, d’un poids, et pour cela fait un large usage d’un contact prolongé entre le corps et le sol, en s’allongeant, en s’asseyant, et en posant les genoux à terre…..
La main, tout comme le visage, est une partie du corps, et tout du corps doit exprimer la même chose.( …) ces principes fondamentaux, quant à l’utilisation de la main, tels que Delsarte les a mis à jour, montrent que la main est le couronnement du bras. Un mouvement né du torse, gagnant l’épaule e successivement toutes les parties du bras, aboutit à un mouvement et une position de la main qui disent plus explicitement – et renforcent –ce que le corps et le bras avaient commencé à dire. (….). »[2]
L’influence de Delsarte sur la danse viendra donc plus tard à travers Ted Shawn, danseur( marié à Ruth Saint Denis autre figure emblématique de la danse américaine). « En 1915, après la représentation, une dame d’un âge respectable, aux cheveux de neige, vint le trouver en coulisses. Ted Shawn ne l’avait jamais rencontrée de sa vie. Elle lui déclara tout à trac : « Mon cher enfant, une seule fois vous avez traversé la scène comme un dieu, mais tout le reste du spectacle ne valait pas un clou » [3]». Cette dame était Henrietta Hovey : elle avait travaillé avec le fils de Delsarte : elle lui révélera les travaux de Delsarte.
François Delsarte peut être considéré comme lointain père fondateur de la gymnastique expressive Les représentants de cette orientation sont donc Genevieve Stebbins aux Etats-Unis, Hede Kallmeyer, puis Elsa Gindler et Lily Ehrenfried en Europe.
Bibliographie
PORTE, Alain. 1992. François Delsarte, une anthologie. Editions IPMC.p 281 ISBN : 2-906460-24-9.
RUYTER, Nancy Lee Chalfa .1999. The cultivation of body and mind in nineteenth-century American Delsartism. Westport, Connecticut. Greenwood Press. United States of America. p152 ISBN :0-313-31042-2
DELSARTE, François. 1991. Catalogue d’Exposition Musée de Toulon .Théâtre National de la Danse et de l’image(TNDI) p 127.ISBN 2-9503858-2-6.
Photo de Delsarte : Catalogue d’exposition Musée de Toulon
[1] François Delsarte, une anthologie ; p XVIII. . Alain Porte
[2]« L’application de la science de Delsarte à l’art de la danse, de Ted Shawn, troisième section « p37-46 dans François Delsarte, une anthologie. p XVIII. ; Alain Porte
[3] François Delsarte, une anthologie. ; p 36 . Alain Porte
